L’arrêt rendu le 2 juillet 2014 par la Cour de cassation concerne la publication par le site d’information en ligne MEDIAPART, les 14, 16, 17 et 21 juin 2010, de la retranscription des enregistrements effectués par le maître d’hôtel de Madame Liliane BETTENCOURT à son domicile, notamment entre elle et le gestionnaire de sa fortune.
Ce dernier, estimant que cette diffusion portait atteinte à l’intimité de sa vie privée et constituait une infraction pénale sanctionnée par l’article 226-2 du code pénal, avait assigné en référé le journal en ligne aux fins de retrait des publications litigieuses et d’interdiction de toute toute publication ultérieure des enregistrements incriminés.
Le 4 juillet 2013, la Cour d’Appel de VERSAILLES, statuant sur renvoi d’une première décision de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 6 octobre 2011, pourvoi n° 10-23. 606), faisait droit aux demandes et ordonner le retrait des publications litigieuses ainsi que la non-publication ultérieure des transcriptions réalisées.
Sur pourvoi de la société MEDIAPART, la Cour de cassation devait ainsi déterminer si la commission d’une infraction pénale, en l’espèce une allégation d’atteinte à l’intimité de la vie privée, pouvait constituer un trouble manifestement illicite justifiant le prononcé d’une mesure de référé afin de le faire cesser et de prévenir son renouvellement.
En l’espèce, la Cour de cassation, dans une analyse des mérites respectifs des deux libertés fondamentales, va privilégier le respect de l’intimité de la vie privée, au détriment du droit à l’information du public sur un sujet d’intérêt général.
En effet, selon la Cour de cassation, « les propos publiés, issus de captations sanctionnées par l’article 226-2 du code pénal, texte de droit commun, opérées au domicile de Mme Z…, à son insu et pendant un an, puis diffusées sans son consentement, et en pleine connaissance de leur provenance, étaient, en outre, relatives tant à des utilisations qu’elle décidait de sa fortune qu’à des sentiments, jugements de valeur et attentes personnelles de M. C… à son endroit ; que la cour d’appel a ainsi caractérisé l’atteinte à l’intimité de la vie privée de M. C… et de Mme Z…, la conscience du caractère délictueux des agissements litigieux, et le trouble manifestement illicite qui en résultait ».
Par la même occasion, la Cour de cassation écarte les arguments, pourtant pertinents, développés par le journal en ligne sur le terrain de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme notamment concernant le caractère disproportionné des mesures de retrait et d’interdiction de publication future au regard du but poursuivi (en particulier le droit à l’information du public sur un sujet d’intérêt général et la liberté de la presse).
Dans un quasi attendu de principe, la Cour de cassation va estimer que le droit à l’intimité de la vie privée est protégée par la loi pénale, laquelle « prohibe et sanctionne le fait d’y porter volontairement atteinte, au moyen d’un procédé de captation, sans le consentement de leur auteur, de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, comme de les faire connaître du public, le recours à ces derniers procédés constitue un trouble manifestement illicite, que ne sauraient justifier la liberté de la presse ou sa contribution alléguée à un débat d’intérêt général, ni la préoccupation de crédibiliser particulièrement une information, au demeurant susceptible d’être établie par un travail d’investigation et d’analyse couvert par le secret des sources journalistiques, la sanction par le retrait et l’interdiction ultérieure de nouvelle publication des écoutes étant adaptée et proportionnée à l’infraction commise, peu important, enfin, que leur contenu, révélé par la seule initiative délibérée et illicite d’un organe de presse de les publier, ait été ultérieurement repris par d’autres ».
Civ 1ère, 2 juillet 2014, pourvoi n°1321929